Une première somme de 20 millions d'euros réunie pour les victimes de pédocriminalité dans l'Eglise
Les vingt millions d'euros annoncés ont été récoltés: le Selam, le fonds recueillant les contributions des évêques et diocèses, a réuni la première somme nécessaire pour indemniser les victimes de pédocriminalité dans l'Eglise souhaitant une réparation financière.
"C'est le premier acte. L'Eglise est au rendez-vous de ce qu'elle a annoncé", a affirmé mardi à l'AFP Gilles Vermot-Desroches, président du Fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs (Selam).
Cette structure chargée de recueillir les fonds, voulue en 2021 par l'Eglise, est gérée par un conseil d'administration d'une vingtaine de membres et présidée par ce laïc, ancien président des Scouts et Guides de France.
Lors d'un conseil d'administration qui s'est tenu lundi, deux premières enveloppes ont été décidées: une première, de "cinq millions d'euros", sera affectée à l"'accompagnement financier" des victimes, selon M. Vermot-Desroches.
Concrètement, les victimes réclamant réparation sous forme financière auprès de l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr, en cours de constitution, ndlr) seront indemnisées par le Selam, après transfert de la demande de l'Inirr au Selam et son approbation par ce dernier, a-t-il précisé.
Une autre enveloppe d'"un million" d'euros a aussi été décidée, laquelle sera affectée à des "démarches de prévention et de mémoire" (plaque, lieu de mémoire par exemple), dans les "six mois", a-t-il précisé.
En novembre, un mois après la parution du rapport Sauvé sur l'ampleur du phénomène de pédocriminalité, l'épiscopat avait reconnu la "responsabilité" de l'Eglise dans ces actes et annoncé qu'il allait mettre la main à la poche.
Le président de la Conférence des évêques de France (CEF) Eric de Moulins-Beaufort, avait déclaré, "pour commencer", vouloir "rassembler 20 millions d'euros", en "prenant sur le patrimoine immobilier et les placements de l'Eglise".
Depuis, les économes des quelque 100 diocèses de France ont fait l'inventaire de leurs ressources disponibles - biens immobiliers et mobiliers - et ont peu à peu versé leur contribution.
- "Remplir les caisses" -
A titre d'exemple, le diocèse de Créteil a pris la décision de vendre la maison de l'évêque. Ceux de Lyon et Rennes ont annoncé, respectivement, un abondement à hauteur de 750.000 et 500.000 euros. Le diocèse de Paris avait promis un montant d'environ deux millions d'euros.
Au final, "la décision des évêques de doter le Selam de 20 millions a été tenue, et ce en deux mois", s'est félicité M. Vermot-Desroches.
Parmi les contributeurs, "après la CEF, une écrasante majorité des évêques ont donné à titre personnel, chacun en fonction de ses moyens" et une "écrasante majorité des diocèses a fait ce geste", a-t-il précisé.
Si les diocèses sont les principaux contributeurs, les dons personnels sont aussi possibles, même si l'Eglise s'était résolue, sur les recommandations de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase) présidée par Jean-Marc Sauvé, à ne pas faire d'appel public à la générosité des fidèles.
M. Vermot-Desroches a confié que la première personne à avoir contribué au fonds Selam était... "une victime".
"Vingt millions, ça veut dire que l'Eglise peut se mobiliser pour remplir les caisses", a réagi auprès de l'AFP Olivier Savignac, du collectif de victimes "Parler et revivre". Et ce "alors qu'avant le rapport Sauvé, elle disait ne pas pouvoir pourvoir ce fonds, que c'était aux fidèles de le faire !", a-t-il rappelé.
"Ca va dans le sens de ce qu'on attend en terme de démarche de réparation", a-t-il ajouté, soulignant toutefois que 20 millions ne seraient "pas suffisants".
Il s'est au passage inquiété du fait que l'Inirr ne soit pas encore sur pied. "Il faut a minima qu'une ligne directe, un mail, un premier contact soit mis en place", a-t-il dit.
Publié début octobre, le rapport Sauvé avait secoué toute l'institution en estimant à 330.000 le nombre de personnes de plus de 18 ans ayant fait l'objet de violences sexuelles depuis 1950, quand elles étaient mineures, de la part de clercs, de religieux ou de personnes laïques en lien avec l'Église.
M.Vecchiarelli--LDdC