La Domenica Del Corriere - Valérie André, madame "le" général

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Valérie André, madame "le" général
Valérie André, madame "le" général / Photo: MICHEL CLEMENT - AFP/Archives

Valérie André, madame "le" général

"Un grade, ça ne se déforme pas", insistait madame "le" général. Médecin militaire, parachutiste, pilote d'hélicoptère ayant servi en Indochine et en Algérie, Valérie André, morte mardi à 102 ans, a été la première femme à accéder aux étoiles dans l'armée française.

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Cette dame brune aussi menue que vive et décidée est également la première à avoir été élevée à titre militaire à la dignité de grand'croix de la Légion d'honneur.

Elle a aussi beaucoup œuvré pour la promotion des femmes au sein d'un univers militaire longtemps resté très masculin, contribuant à ce que l'armée française figure aujourd'hui parmi les plus féminisées au monde.

Née le 21 avril 1922 à Strasbourg dans une famille de neuf enfants, Valérie André rêve très jeune de voler.

"A 10 ans, je disais déjà à mes parents +je serai aviatrice+. Eux pensaient +ça va lui passer+", racontait-elle. Ça ne lui passera pas. Dès l'âge de 17 ans, elle prend des cours de pilotage à l'aéroclub de sa ville natale, sur un avion Potez.

Une passion contrariée par le déclenchement de la guerre. Elle s'installe en zone libre et suit des études de médecine à Clermont-Ferrand.

En 1948, elle obtient son brevet de parachutisme et devient à la fois médecin militaire et pilote. La voilà dès l'année suivante engagée en Indochine. Elle y reste quatre ans.

"Immédiatement, je me suis dit que c'était l'hélicoptère qui était le plus efficace. Pour aller chercher les blessés et les ramener vers l'arrière".

Qu'à cela ne tienne, elle passe illico son brevet de pilote d'hélicoptère. Une première pour une femme. Entre 1952 et 1953, elle effectue 129 vols d'exploitation, assurant l'évacuation de 165 blessés vers des postes médicaux.

"Tout s'apprend ! Et puis quand on est motivé, tout semble simple. Je pense que les garçons devaient trouver que je pilotais pas mal...", disait-elle modestement.

- "Quand même grisant !" -

Affectée ensuite au Centre d'essais en vol de Brétigny-sur-Orge, près de Paris, de 1953 à 1958, avec la spécialité de médecin navigant, elle sert en Algérie de 1959 à 1962, en tant que médecin et pilote à la 23e escadre d'hélicoptères et médecin-chef de la base aérienne de Reghaïa.

Elle y effectue plus de 350 missions et sauve là aussi de nombreux combattants français.

Revenue en France, elle s'attelle à un autre combat, celui de l'égalité hommes-femmes au sein de l'Armée, faisant parfois grincer quelques dents dans la hiérarchie.

Elle continue sa carrière d'officier du service de santé, gravit les échelons. En 1976, le jour de ses 54 ans, c'est la consécration: la voici médecin général du service de santé des armées, l'équivalent du grade de général.

"Il y avait des oppositions... Ça ne se faisait pas et puis tout d'un coup, ça s'est fait. C'est quand même grisant, c'est sûr", racontait-elle d'une voix fluette à 95 ans passés.

En 1981, année où elle quitte le service actif, elle recevra sa troisième étoile, avec rang et prérogatives de général de division.

La jeune retraitée reste très active. Elle préside la commission d'études sur la place des femmes au sein des forces armées, dont le rapport préconise de ne plus les cantonner aux rôles subalternes et de les juger sur leurs seules aptitudes.

Multi-décorée, elle a totalisé, au cours de sa carrière, 4.200 heures de vol, réalisé plus d'une centaine d'évacuations sanitaires, 496 missions de guerre et sept citations avec la croix de guerre. En son honneur, l'héliport de Paris/Issy-les-Moulineaux est baptisé "Valérie André" en mars 2022.

Veuve de l'officier supérieur d'aviation Alexis Santini, elle était la tante par alliance de l'ancien ministre André Santini.

"J'ai eu une vie extraordinaire. La seule chose que je peux souhaiter maintenant, c'est un beau matin ne pas me réveiller et être là-haut, parmi les étoiles", confiait-elle au soir de sa vie.

S.Esposito--LDdC