Un accord Suisse-UE "historique" mais déjà critiqué dans le pays alpin
La Suisse et l'Union européenne sont parvenues à un accord de rapprochement "historique", a salué vendredi la présidente de la Commission européenne, mais le résultat des négociations est déjà rejeté par la droite radicale et les syndicats helvétiques.
Si le gouvernement suisse a donné son feu vert à un paquet d'accords sectoriels avec l'Union européenne, le chemin vers une éventuelle adoption définitive par le Parlement et les électeurs suisses sera long et semé d'embûches.
"Ce jour marque une étape importante dans la stabilisation et le développement de nos relations bilatérales", a commenté la présidente suisse Viola Amherd devant la presse à Berne, assurant que le gouvernement "est convaincu que le résultat des négociations est bon et avantageux pour les deux partenaires".
"Cet accord entre l'UE et la Suisse est historique", a renchéri Mme von der Leyen, à ses côtés : "Les négociations ont été intenses et ont permis de préserver les intérêts de la Suisse et de l'UE de manière équilibrée".
Il aura fallu environ 200 réunions entre diplomates de Bruxelles et de Berne pour arriver à s'entendre sur une série d'accords bilatéraux qui doivent renforcer la coopération entre les deux partenaires économiques, actuellement régie par plus de 120 textes.
"L'UE est le principal partenaire commercial de la Suisse, tandis que la Suisse est le quatrième pour les biens et le troisième pour les services, le commerce bilatéral global s'élevant à quelque 550 milliards d'euros", a souligné le commissaire européen au Commerce Maros Sefcovic.
Il aura fallu "plus de 10 ans pour arriver" à un accord entre les deux parties, a-t-il souligné.
- Convaincre -
Côté européen, le Conseil doit approuver l'accord, a priori à l'unanimité des 27.
En Suisse, le gouvernement devra désormais convaincre le Parlement du bien-fondé du projet et surtout le peuple, qui aura le dernier mot. Une consultation à l'issue incertaine.
"Les processus démocratiques prennent du temps. Ils ne sont pas toujours faciles mais d'autant plus légitimes", a averti la présidente suisse.
La droite radicale, incarnée par l'Union démocratique du centre (UDC), qui a conforté son statut de premier parti de Suisse aux législatives de 2023, est vent debout contre cet accord, que Bruxelles réclame depuis 2008.
Les négociations n'ont toutefois commencé qu'en 2014 et la Confédération helvétique y a brutalement mis un terme en 2021, avant de relancer des pourparlers en mars dernier.
Contrairement aux précédentes tractations dont le but était d'établir un accord-cadre général, les négociations actuelles optent pour une approche sectorielle destinée à mettre à jour cinq accords (libre circulation des personnes; reconnaissance mutuelle des évaluations de conformité; transports terrestres; transport aérien; agriculture) et à en élaborer trois autres (électricité; sécurité alimentaire; santé).
Un tribunal arbitral tranchera les litiges entre les deux partenaires.
La Suisse devra reprendre le droit européen pour les accords relatifs au marché intérieur. Elle peut s'y opposer mais l'UE pourra "prendre des mesures de compensation proportionnées", selon un document du gouvernement.
La Suisse a obtenu une clause de sauvegarde pour suspendre dans certaines circonstances la libre circulation, l'un des piliers de la construction européenne, ainsi qu'une participation à des programmes européens (recherche, culture, sports, etc.). Elle devra en revanche augmenter sa contribution financière à la cohésion économique et sociale au sein de l'UE à 350 millions par an, contre 130 millions actuellement.
- "Paquet de mensonges" -
"Depuis 25 ans la voie bilatérale avec l'UE contribue de manière significative au succès de la Suisse. Pour qu'elle puisse continuer à apporter ses bénéfices nous devons la consolider et la développer davantage", a assuré vendredi le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis.
Le gouvernement suisse espère conclure officiellement les négociations au "printemps prochain", afin de transmettre le paquet au parlement début 2026, puis aux Suisses dans les urnes, sans doute en 2027.
L'Union syndicale suisse (USS), la plus grande organisation de salariés, a immédiatement critiqué l'accord : "Selon les informations actuellement disponibles, la protection des salaires sera démantelée et le service public affaibli" dans les domaines du rail et de l'électricité.
L'UDC bataille depuis des mois très activement contre les négociations.
Vendredi encore, des députés de ce parti se sont rassemblés en veillée aux bougies devant le Parlement à Berne, "pour notre indépendance et notre démocratie", en signe d'opposition au "paquet de mensonges" contenu dans le "traité de soumission à l'UE".
G.Tomaselli--LDdC