Tri des biodéchets: un geste qui reste à la portée d'une minorité de Français
Peaux de bananes, os de poulet et marc de café ont encore de beaux jours devant eux dans la poubelle grise: le tri des déchets alimentaires n'est pratiqué, un an après l'entrée en vigueur de son obligation, que par une minorité de Français, faute, souvent, de solutions pour les collecter séparément.
Selon l'Agence de la transition écologique (Ademe), seuls 40% des Français disposaient mi-2024 d'une solution de tri à la source mise en place par sa collectivité pour ces déchets qui représentent généralement un tiers de la poubelle.
Moins de 20% de l'ensemble des ménages ont accès "soit à un système de point d'apport volontaire, soit à une collecte en porte à porte, donc vraiment des bacs et des poubelles dédiés à ces biodéchets là, qui sont après collectés par camion", explique à l'AFP Muriel Bruschet, référente nationale biodéchets pour l'Ademe.
Ces déchets sont ensuite envoyés vers des plateformes de massification et de grosses unités de valorisation que sont les plateformes de compostage et les unités de méthanisation, précise-t-elle.
Les autres Français disposant d'une solution de tri à la source bénéficient de distribution de composteurs individuels par leur commune, "sur la base du volontariat", ou de composteurs partagés, pour produire du compost utilisé sur place, selon Mme Bruschet.
- Pas de sanction -
Le maillage de solutions, qui couvrait quelque 30% de la population il y a un an, a tout de même progressé d'environ 10 points depuis, relève l'ONG Zero Waste France, qui se montre surtout inquiète d'un déficit d'accompagnement des collectivités.
"Ce qui ne va pas, c'est la communication et la sensibilisation des habitants", explique à l'AFP Pauline Debrabandere, responsable du plaidoyer de l'ONG.
"Si vous avez des points d'apport volontaire où il y a trop d'erreurs de tri", les déchets "ne vont pas finir en compost ou en méthanisation": "notre crainte, c'est que dans deux ans, il y ait des collectivités qui nous disent +ça n'a pas marché, les gens ne participent pas, donc on arrête+", explique-t-elle.
Deux raisons sont invoquées pour expliquer ce lent déploiement: un texte peu contraignant et un manque de soutien financier de l'Etat aux collectivités.
Dès la parution du texte précisant les modalités d'application de la loi en décembre 2023, les collectivités avaient déploré son caractère de simple avis, dépourvu de la portée d'un décret, ne prévoyant "ni sanctions, ni objectifs de résultats".
Il n'y a, à ce stade, pas de projet de texte plus contraignant, a indiqué à l'AFP une source ministérielle.
Pour le reste, "on a un vrai problème de financement de la transition écologique", a déploré Pauline Debrabandere pour Zero Waste.
- Un fonds vert raboté -
Le fonds vert, mis en place en 2021, permettait aux collectivités de faire des demandes spécifiques pour le financement des équipements auprès de l'Ademe, mais il a été "raboté" à plusieurs reprises, avant sa disparition programmée en 2026, déplore Mme Debrabandere.
"De très nombreuses collectivités locales n'ont pas bénéficié des aides qui étaient soi disant promises", regrette Nicolas Garnier, délégué général du réseau Amorce, qui représente les collectivités engagées dans la transition écologique.
"Il y a de quoi être en colère", estime-t-il.
Le ministère de la Transition écologique, sollicité par l'AFP, affirme que la dotation du fonds vert "a permis de répondre à l'ensemble des demandes exprimées par les collectivités".
La communauté urbaine Le Creusot-Monceau, pionnière sur le sujet avec l'installation de casiers connectés pour recevoir les biodéchets, a bénéficié d'une aide de l'Ademe de 140.000 euros pour un investissement de plus de 800.000 euros.
"On ne met pas les moyens nécessaires de soutien aux collectivités qui sont, elles, très favorables à porter ce genre de politiques", estime le président de la communauté urbaine, David Marti.
Outre l'aspect environnemental, il souligne "les économies de long terme" permises par la démarche: "le mieux vous triez, le moins le risque d'augmentation de la taxe (sur les ordures ménagères) existe".
"Le déploiement d'une solution à l'échelle d'une collectivité n'est pas immédiat, ça prend entre trois et quatre ans", estime Mme Bruschet, qui s'attend d'ici 2026 à une "nette augmentation parce que les projets vont arriver à fin de déploiement".
L.M.Domiano--LDdC