Dans le sud du Liban, la ville de Naqoura dévastée après le retrait israélien
Entre les maisons dévastées et les vergers abandonnés, tout signe de vie a disparu de la ville de Naqoura, plongée dans le silence à l'approche de la date butoir pour le retrait de l'armée israélienne du sud du Liban.
L'armée libanaise patrouille désormais dans les ruines de cette ville fantôme, frontalière d'Israël, que les forces israéliennes ont quittée le 6 janvier en laissant derrière elles d'immenses destructions.
Celle-ci a à présent évacué toute la région côtière du sud du Liban, mais occupe encore des zones plus à l'est.
"Il nous faudra au moins trois ans pour reconstruire": Abbas Awada, le maire de Naqoura, a pu venir mercredi découvrir l'étendue des destructions, alors que les habitants n'ont pas encore été autorisés à rentrer pour des raisons de sécurité.
"Naqoura est une ville sinistrée (...) les conditions de vie les plus élémentaires n'y existent plus", se désole-t-il, devant la mairie dévastée.
"Lorsque l'armée y est entrée après le cessez-le-feu", "35% de la localité était détruite, maintenant les destructions concernent 90%" de Naqoura, dit-il à l'AFP.
Il affirme que l'armée israélienne a détruit les bâtiments "à la dynamite et au bulldozer".
Autour du quartier général de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (Finul), les maisons ont été épargnées.
Mais à mesure qu'on avance dans la ville déserte, les maisons sont totalement dévastées, au milieu de plantations de bananes qui pourrissent et des vergers d'agrumes que personne n'a cueillis.
Des soldats libanais patrouillent, entre les ruines de l'école et les maisons éventrées qui laissent apparaître une penderie ou une cuisine.
Un mur encore debout porte une inscription en hébreu. Les soldats, qui se sont déployés à Naqoura dès le retrait israélien, découvrent un énorme obus qui n'a pas explosé.
Une odeur putride flotte sur la ville, où les secouristes ont encore retiré mardi deux corps des décombres.
- Drapeaux du Hezbollah -
Les échanges de tirs entre le Hezbollah et Israël depuis le début du conflit à Gaza, en octobre 2023, ont tourné à une guerre ouverte de deux mois en septembre 2024.
Sorti affaibli de la guerre, le Hezbollah pro-iranien doit retirer ses forces de la région.
Mais malgré l'entrée en vigueur de la trêve, l'armée israélienne mène régulièrement des frappes, affirmant viser le Hezbollah, et les médias d'Etat libanais l'accusent de procéder à des dynamitages dans les villages encore occupés.
Interrogé par le bureau de l'AFP à Jérusalem, un porte-parole de l'armée israélienne a affirmé qu'elle "demeure attachée" à la trêve et "continue d'opérer conformément aux accords conclus entre Israël et le Liban".
Sur la route menant à Naqoura, des drapeaux du Hezbollah flottent au vent, mais aucune présence de ses militants n'est visible.
La Finul patrouille dans le secteur, et l'armée, postée au barrage qui contrôle l'accès à la localité, interdit aux voitures civiles d'y pénétrer, sauf de rares exceptions.
- "Nous voulons une solution" -
A 20 kilomètres plus au nord, Fatima Yazbeck attend impatiemment, dans un centre d'accueil de Tyr, de pouvoir rentrer chez elle.
Elle a fui Naqoura il y a plus de 15 mois. "Depuis, je n'y suis plus revenue, je ne sais pas ce qui s'y est passé", dit cette veuve de 61 ans, racontant combien elle a été attristée d'apprendre que sa maison avait été détruite.
Comme elle, Ali Mehdi, un volontaire du centre d'accueil, dit que sa maison a été détruite.
"Ma maison avait été juste endommagée au début (...) mais après la trêve, les Israéliens sont entrés à Naqoura et ont détruit les maisons, les vergers et les routes", raconte cet homme de 45 ans.
A ses côtés, Moustapha Al-Sayed, 54 ans, attend avec sa famille nombreuse depuis plus d'un an de pouvoir rentrer dans son village du sud, Beit Lif. Déjà en 2006, il avait été obligé de fuir lors de la précédente guerre entre le Hezbollah et Israël.
"Est-ce qu'on doit emmener nos familles et fuir tous les 20 ans?", s'insurge-t-il. "Nous voulons une solution définitive, nous voulons que les guerres se terminent".
P.Oliviero--LDdC