Charlie Dalin: "Mon cerveau est encore un peu en mer", après le Vendée Globe
Quatre jours après son triomphe sur le Vendée Globe, le navigateur Charlie Dalin a raconté samedi dans un entretien à l'AFP son retour à terre "euphorique", entre fatigue accumulée et joie d'avoir réalisé son rêve.
QUESTION : Comment on se sent quelques jours après avoir remis le pied à terre ?
REPONSE : "Je me sens bien, heureux d'avoir remporté ce Vendée Globe. Pendant quatre ans, je n'ai pensé qu'à cet objectif avec toute mon équipe. L'avoir atteint, c'est génial, et j'en profite à fond depuis. L'arrivée était parfaite. J'étais là pour François (Gabart) en 2013, Armel (Le Cléac'h) quatre ans plus tard, et là c'était mon tour. Quelle fierté de rentrer dans ce club très fermé des vainqueurs du Vendée Globe".
QUESTION: On imagine quand même que la fatigue est grande après 64 jours en solitaire autour du monde...
REPONSE : "La fatigue est là depuis le début. Elle s’est vite installée pendant la course et elle continue à me coller à la peau. La dernière fois, j'avais mis huit mois à récupérer, alors on verra combien de temps je mets cette année. J'espère que cela sera plus facile avec une victoire. Quand je suis arrivé à terre, le soir même, je me suis réveillé en pleine nuit, et je me suis précipité pour ouvrir la fenêtre de la chambre d'hôtel en criant : "J'ai oublié de virer de bord !". Même si mon corps est à terre, mon cerveau est encore un peu en mer".
QUESTION: Et physiquement ?
REPONSE : "Je n'ai pas encore réussi à me peser, mais ce qui est sûr, c'est que j'ai beaucoup fondu, surtout au niveau des cuisses et des jambes. Je me suis déplacé pendant deux mois dans un bateau de 18 mètres, sans pouvoir bouger beaucoup. Il faut que je reprenne rapidement le sport pour retrouver de la puissance dans les jambes. Je sens aussi que mon corps a beaucoup vécu, et j'ai hâte de consulter mon ostéo pour faire un point sur l'état de mon dos".
Q: Comment expliquer votre sérénité sur le parcours, malgré la pression liée au statut de favori ?
R: "J'ai vécu ça comme une chance de pouvoir repartir avec Macif pour cette nouvelle aventure après ma 2e place. J'avais à coeur de capitaliser sur l'expérience de mon premier Vendée Globe, de corriger certains défauts sur le bateau, et je pense qu'on a réussi. Je savais que j'avais les capacités pour faire un bon résultat"
Q: Pourtant, Yoann Richomme vous a collé jusqu'à la fin, cela a dû être difficile de rester concentré...
R: Yoann était vraiment là, prêt à bondir à la moindre occasion, à la moindre faiblesse. Cela m’a forcé à passer encore plus de temps à analyser les fichiers météo, à ajuster le bateau, à changer de voile encore plus souvent. Je pense que ce duel a vraiment été une motivation. Ça nous a poussés à donner le meilleur de nous-mêmes."
Q: Avez-vous eu des moments de doute ?
R: "Jusqu'au bout cela a été difficile, surtout avec le manque de sommeil ! J'ai dormi cinq heures par jour en moyenne pendant deux mois... Quand j'arrive le long de la côte bretonne, la dernière nuit de la course, je passe au-dessus d'un filet de pêche que je n'avais pas vu. Stressé, j'ai attendu plusieurs minutes, en regardant mes compteurs pour m'assurer que la vitesse ne diminuait pas. Il faisait deux degrés, j'étais exténué, je ne me voyais pas plonger pour aller couper le filet sous le bateau".
Q: Vous envisagez d'y retourner un jour ?
R: "Pour l'instant, je veux profiter de cette victoire, mais je ne me ferme pas la porte. Ce n'est pas une décision que je prends seul. Un Vendée Globe, c'est énormément de sacrifices. J'ai une femme, un fils, c'est un engagement pour eux aussi. Et puis, il faut aussi que les sponsors veuillent m'accompagner. Après un repos bien mérité, la saison va reprendre et mon objectif principal désormais, c'est la Route du Rhum. J'ai terminé 2e de la dernière édition, à 2 heures du vainqueur. La gagner sera ma nouvelle obsession".
Propos recueillis par François d'Astier
P.Oliviero--LDdC